MANUEL DE FORMATION SUR LA SURVEILLANCE DES DROITS HUMAINS

CHAPITRE V: LES PRINCIPES DE BASE DU MONITORING



MATIERES

A. Introduction

B. Le Monitoring Comme Méthode Permettant d'Améliorer la Protection des Droits de l'Homme

C. Ne Pas Nuire

D. Respecter son Mandat

E. Connaître les Normes

F. Garder la Tête Froide

G. Rechercher la Consultation

H. Respecter les Autorités

I. La Crédibilité

J. La Confidentialité

K. La Sécurité

L. Comprendre la Pays

M. Cohérence, Perséverance et Patience

N. Détail et Précision

O. L'Impartialité

P. L'Objectivité

Q. La Sensibilité

R. L'Intégrité

S. Le Professionalisme

T. La Visibilité

 

A. INTRODUCTION

 

1. Ce chapitre donne les dix-huit principes de base du monitoring que les HRO devront avoir � l'esprit dans l'exercice de leurs fonctions telles qu'elles sont d�crites dans les chapitres suivants, � savoir la collecte d'informations, l'entrevue, les visites aux personnes d�tenues, le monitoring du retour des r�fugi�s et/ou des personnes d�plac�es � l'int�rieur de leur pays, l'observation des proc�s, celle des �lections, le suivi des manifestations, celui des droits �conomiques, sociaux et culturels, le monitoring au cours de conflits arm�s, la v�rification et l'�valuation des renseignements rassembl�s, et l'emploi de ces renseignements pour faire face aux probl�mes de droits de l'homme.

 

B. LE MONITORING COMME M�THODE PERMETTANT D'AM�LIORER LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME

 

2. Le monitoring est une m�thode qui permet d'am�liorer la protection des droits de l'homme. L'objectif principal du monitoring des droits de l'homme consiste � renforcer la responsabilit� de l'�tat dans la protection des droits de l'homme. Les HRO pourront �galement jouer un r�le de pr�vention par leur pr�sence. Lorsqu'un fonctionnaire de l'�tat ou autre acteur responsable est observ�, cette personne devient plus attentive � sa conduite.

 

3. Les HRO doivent situer leur travail dans la perspective g�n�rale de la protection des droits de l'homme. Ils peuvent noter des observations et r�unir des informations aussi bien pour un usage imm�diat qu'� des fins ult�rieures. Ils peuvent communiquer ces informations aux autorit�s comp�tentes ou � d'autres organes. Les HRO doivent observer les �v�nements, rassembler des renseignements et percevoir la mani�re dont il convient de se conduire; mais ils doivent �galement, dans les limites autoris�es par leur mandat et leurs comp�tences, identifier les probl�mes qui se posent, leur apporter un diagnostic, y envisager des solutions possibles, et aider � les r�soudre. S'ils doivent faire preuve en permanence de bon sens, les HRO doivent prendre des initiatives pour r�soudre les probl�mes qui se posent et, � condition qu'ils agissent dans le cadre de leur autorit� et de leur comp�tence, ils n'ont pas � attendre avant d'agir d'instructions sp�cifiques ou de permission d�clar�e.

 

C. NE PAS NUIRE

 

4. Le HRO et la mission � laquelle il est affect� doit consacrer tous ses efforts � traiter efficacement toute situation relevant de son mandat. Pourtant, dans la r�alit�, le HRO ne sera pas en mesure de garantir les droits humains et la s�curit� de toutes les personnes. En d�pit de leurs meilleures intentions et de leurs efforts les plus accomplis, les HRO peuvent ne pas poss�der les moyens d'assurer la s�curit� des victimes de violations ni celle de leurs t�moins. Il est essentiel de se souvenir que le premier devoir du fonctionnaire se situe envers les victimes et victimes potentielles de violations des droits de l'homme. Il existe par exemple un possible conflit d'int�r�ts cr�� par le besoin qu'a le HRO d'informations, et le risque qu'encourt �ventuellement son informateur, victime ou t�moin de la violation. Le HRO aura � l'esprit la s�curit� des personnes qui fournissent l'information. Au strict minimum, l'action ou l'inaction du HRO ne doit pas compromettre la s�curit� des victimes, des t�moins ou des autres personnes avec lesquelles il se trouve � �tre en contact, ni le fonctionnement r�gulier de la mission.

 

D. RESPECTER SON MANDAT

 

5. Un mandat d�taill� facilite les relations avec le si�ge de l'ONU, les autres organes des Nations unies - notamment ceux qui sont moins expos�s aux imp�ratifs des droits de l'homme -, et toutes les autres parties impliqu�es. Chaque HRO fera en sorte de comprendre le mandat, de l'avoir en permanence en vue, et d'apprendre � l'appliquer dans les situations qu'il ou elle aura � rencontrer. Pour �valuer chaque situation, le HRO devra se demander par exemple : quels sont les termes du mandat en rapport ? quelles sont les normes internationales qui fondent ce mandat et en expliquent le sens ? comment ce mandat sera-t-il servi en entreprenant une enqu�te pr�cise, en poursuivant des discussions avec les autorit�s, ou en prenant toute autre initiative ? � quels actes suis-je autoris�(e) au titre de ce mandat ? Quelles sont les cons�quences �thiques, s'il en existe, de cette initiative ? Comment l'initiative envisag�e par le HRO sera-t-elle re�ue par le gouvernement h�te ? Quelles peuvent en �tre les cons�quences n�fastes ?

 

E. CONNA�TRE LES NORMES

 

6. Le HRO doit conna�tre parfaitement les normes internationales des droits de l'homme ayant trait � leur mandat et s'appliquant � leur pays d'affectation. Les normes internationales relatives aux droits de l'homme d�finissent certes le mandat des HRO, mais elles procurent aussi un fondement juridique et une l�gitimit� au travail du HRO et � la mission de l'ONU dans un pays pr�cis, en ce qu'elles refl�tent la volont� (ou l'accord) de la communaut� internationale et d�finissent les obligations l�gales du gouvernement.

 

F. GARDER LA T�TE FROIDE

 

7. Quel que soit leur nombre, leur pertinence et leur pr�cision, les r�gles ne peuvent se substituer � l'exercice de la perspicacit� personnelle et du sens commun que poss�de le HRO. Ceux-ci doivent en toute circonstance savoir juger par eux-m�mes.

 

G. RECHERCHER LA CONSULTATION

 

8. La sagesse na�t souvent de la discussion et de la consultation. Quand le HRO a � traiter d'une affaire d�licate, de celles qui se situent aux limites du mandat ou qui peuvent s'av�rer douteuses, il est toujours judicieux de consulter d'autres fonctionnaires et, chaque fois que possible, des sup�rieurs hi�rarchiques. De fa�on analogue, le HRO va habituellement travailler sur le terrain avec diverses organisations du syst�me des Nations unies et autres organisations humanitaires; ils doivent donc s'entretenir avec leurs agents, ou s'assurer que les consultations appropri�es ont eu lieu, afin d'�viter les doublons, voire des activit�s potentiellement contradictoires.

 

H. RESPECTER LES AUTORIT�S

 

9. Les HRO garderont � l'esprit que l'un de leurs objectifs et le r�le premier de la mission de l'ONU consiste � pousser les autorit�s � am�liorer leur comportement. En r�gle g�n�rale, le r�le imparti aux HRO ne pr�voit pas qu'ils assument des responsabilit�s gouvernementales ou se substituent � ses services. Les HRO doivent au contraire respecter le fonctionnement r�gulier des autorit�s, en reconna�tre les am�liorations, et tenter de trouver comment encourager toutes politiques et pratiques gouvernementales de nature � poursuivre l'application des droits de l'homme apr�s que la mission aura pris fin.

 

I. LA CR�DIBILIT�

 

10. La cr�dibilit� du HRO est essentielle au succ�s du monitoring. Il doit faire en sorte de ne jamais promettre quoi que ce soit qu'il ne soit pas en mesure de tenir, pour quelque raison que ce soit, et de v�rifier l'accomplissement de toute promesse qu'il a faite. Les personnes doivent pouvoir faire confiance au HRO, faute de quoi elles ne souhaiteront pas coop�rer ni fournir des informations fiables. En s'entretenant avec des victimes ou t�moins de violations, le HRO se pr�sentera, expliquera bri�vement son mandat d�crira ce qu'il est en son pouvoir de faire et de ne pas faire, insister sur la confidentialit� des informations transmises, et souligner l'importance d'obtenir autant de d�tails que possible quant � l'�tablissement des faits - et par exemple, d'une violation �ventuelle des droits de l'homme.

 

J. LA CONFIDENTIALIT�

 

11. Respecter la confidentialit� du renseignement est essentiel en ce que toute transgression de ce principe est susceptible d'avoir des cons�quences graves : (a) pour la personne interrog�e et pour la victime; (b) pour la cr�dibilit� et la s�curit� du HRO lui-m�me; (c) pour le degr� de confiance dont b�n�ficie la mission dans l'opinion locale; donc (d) pour l'efficacit� de cette op�ration. Le HRO doit assurer le t�moin quant � la stricte confidentialit� dans le traitement des informations qu'il communique; il demandera aux personnes interrog�es si elles consentent � l'utilisation de leurs informations dans le cadre de rapports sur les droits de l'homme, ou � d'autres fins. Si la personne en question ne souhaite pas que ces informations lui soit attribu�e, elle peut donner son accord pour que ces derni�res soient employ�es d'autres fa�ons, plus g�n�rales, qui n'en r�v�lent pas la source. Le HRO prendra soin de ne pas communiquer ses opinions ou conclusions � propos de l'affaire en cause aux personnes avec lesquelles il s'entretient.

 

12. Il convient �galement de prendre toutes mesures pour assurer la confidentialit� des renseignements recueillis, y compris les identit�s des victimes, des t�moins, etc. On peut penser utile, pour prot�ger cette confidentialit�, d'employer un langage cod� et des mots de passe, ainsi que de conserver dans des fichiers s�par�s les identit�s des personnes concern�es d'une part, et les faits les concernant de l'autre.

 

K. LA S�CURIT�

 

13. Ce principe de base a trait aussi bien � la s�curit� du HRO qu'aux personnes qui se trouvent en contact avec lui. On le verra au Chapitre 5 s"La S�curit�" de ce manuel, les HRO doivent se prot�ger en prenant des mesures de s�curit� personnelle relevant du bon sens, comme �viter de voyager seuls, r�duire les risques de se perdre, ou ceux de se trouver entre deux feux au cours d'un conflit arm�.

 

14. Les HRO auront toujours � l'esprit la s�curit� des personnes qui leur fournissent des renseignements. Ils devront obtenir l'autorisation des t�moins avant de les interroger et leur garantir la confidentialit�. Il convient �galement de mettre en place des mesures de s�curit� afin de prot�ger l'identit� des informateurs, des personnes interrog�es, des t�moins, etc. Le fonctionnaire charg� des droits de l'homme ne doit pas proposer de garanties irr�alistes concernant la s�curit� d'un t�moin ou autre individu, il doit �viter d'�veiller de faux espoirs, et doit faire en sorte de tenir tout engagement visant � prot�ger les victimes (comme le fait de rester en contact).

 

L. COMPRENDRE LE PAYS

 

15. Les HRO devront tenter de comprendre le pays o� ils travaillent, notamment, son peuple, son histoire, sa structure gouvernementale, sa culture, ses coutumes, sa langue, etc. (voir Chapitre 2 "Le contexte local"). Les HRO seront d'autant plus efficaces, et mieux � m�me de recevoir la coop�ration de la population locale, qu'ils comprendront mieux leur pays d'affectation.

 

M. COH�RENCE, PERS�V�RANCE ET PATIENCE

 

16. R�unir des informations solides et des renseignements pr�cis pour documenter des situations o� les droits de l'homme sont en cause peut s'av�rer une course longue et difficile. En r�gle g�n�rale, il faudra tirer profit de sources diverses dont les informations devront �tre examin�es avec soin, compar�es et v�rifi�es. On ne peut toujours en attendre de r�sultats imm�diats : le HRO devra poursuivre ses efforts jusqu'au terme d'une enqu�te compl�te et d�taill�e. Qui aura tenu compte de toutes les sources d'information possibles, et qui aura conclu sur une vision aboutie de la situation. La pers�v�rance peut devenir une qualit� particuli�rement indispensable lorsqu'il s'agit de traiter avec le gouvernement. Mais bien entendu, dans certains cas une action d'urgence sera requise : comme dans des affaires o� se pr�sente manifestement une menace imminente sur une personne ou un groupe. Le HRO doit savoir r�pondre instantan�ment � ces situations d'urgence.

 

N. D�TAIL ET PR�CISION

 

17. L'un des buts centraux du HRO consiste � fournir des informations solides et pr�cises. Elles serviront de base � son action imm�diate aupr�s des autorit�s locales, ou � l'action de ses sup�rieurs hi�rarchiques, ou � celle des responsables de la mission, ou enfin � d'autres organes des Nations Unies. Fournir une information solide et pr�cise suppose des rapports bien document�s et exhaustifs; le HRO fera donc en sorte de toujours poser des questions pr�cises : par exemple, non seulement si une personne a �t� battue, mais combien de fois, � l'aide de quelles armes, sur quelles parties du corps, avec quelles suites, par qui, etc.

 

18. La communication �crite est toujours essentielle pour �viter tout manque de pr�cision, aussi bien que les rumeurs et malentendus. Les rapports qu'�tabliront les HRO refl�teront des enqu�tes approfondies, seront soumis rapidement, et feront �tat de faits pr�cis, tout en proposant des analyses soigneuses et des recommandations utiles. Ces rapports s'abstiendront d'allusions vagues et de g�n�ralit�s. Chaque conclusion sera fond�e sur des �l�ments d�taill�s fournis dans le corps du rapport.

 

O. L'IMPARTIALIT�

 

19. Le HRO saura que toute mission de l'ONU constitue un organe impartial. Toute t�che, tout entretien sera approch� avec ce souci d'impartialit� envers l'application du mandat et les normes internationales qui le sous-tendent. Toute violation et/ou abus de la part de toute partie fera l'objet d'une enqu�te tout aussi approfondie. Le HRO ne fera jamais montre de sympathie � l'�gard d'une partie de pr�f�rence � une autre.

 

P. L'OBJECTIVIT�

 

20. Le HRO conservera une objectivit� d'attitude et d'apparence en toutes circonstances. En r�unissant et en pesant ses informations, le HRO aura soin de consid�rer tous les faits objectivement. Il appliquera les normes adopt�es par la mission de l'ONU � ces informations, de mani�re impartiale et sans pr�jug�s.

 

Q. LA SENSIBILIT�

 

21. Lors de leurs entretiens avec les victimes et t�moins, le HRO sera sensible � la souffrance que la personne peut avoir subie, ainsi qu'� la n�cessit� de prendre les mesures n�cessaires � la protection de cette personne, au moins en restant en contact avec elle. Le HRO sera particuli�rement attentif aux probl�mes de retraumatisation aussi bien qu'aux ph�nom�nes de victimisation par procuration d�crits au Chapitre 8 "L'entretien" et au Chapitre 23 "Stress, traumatisme par procuration et burn-out". Les HRO seront en outre tr�s prudents dans toute conduite et tout emploi de mots ou de phrases susceptibles de laisser entendre que leur d�vouement aux droits de l'homme n'est pas impartial ou qu'il est entach� de pr�jug�s.

 

R. L'INT�GRIT�

 

22. Le HRO aura envers tous ses informateurs, personnes interview�es et coll�gues une attitude de courtoisie et de respect. En outre, le fonctionnaire s'acquittera des t�ches qui lui seront confi�es de fa�on honn�te et honorable (voir Chapitre 22 "Normes applicables aux fonctionnaires de l'ONU charg�s des droits de l'homme et aux autres personnels").

 

S. LE PROFESSIONNALISME

 

23. Le HRO aura vis-�-vis de toute t�che qui lui est impartie une attitude professionnelle. Il sera bien inform�, diligent, comp�tent, et exigeant sur les d�tails.

 

T. LA VISIBILIT�

 

24. Le HRO devra faire en sorte que tant les autorit�s que la population locale soient conscientes du travail accompli par la mission de l'ONU. La pr�sence de HRO visibles peut �viter des violations des droits de l'homme. En r�gle g�n�rale, une activit� manifeste de monitoring sur le terrain peut apporter une certaine protection � la population locale, du simple fait que l'agresseur potentiel ne souhaite pas �tre observ�. De plus, un monitoring bien �vident peut rassurer par sa pr�sence les personnes ou groupes qui sont des victimes potentielles. Enfin, cette pr�sence visible peut contribuer � instaurer un climat de confiance dans ces p�riodes si cruciales qui suivent les conflits, telles que des �lections, la reconstruction et le d�veloppement. En cons�quence, un monitoring efficace est celui qui voit et se fait voir.

 


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