Observation g�n�rale No 11 (1999) 1/
1. L'article 14 du Pacte international relatif aux droits �conomiques, sociaux et culturels exige de tout �tat partie qui n'a pas encore pu assurer le caract�re obligatoire et la gratuit� de l'enseignement primaire qu'il s'engage � �tablir et � adopter, dans un d�lai de deux ans, un plan d�taill� des mesures n�cessaires pour r�aliser progressivement, dans un nombre raisonnable d'ann�es fix� par ce plan, la pleine application du principe de l'enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous. En d�pit des obligations contract�es conform�ment � l'article 14, un certain nombre d'�tats parties n'ont ni �labor� ni mis en oeuvre un plan d'action pour un enseignement primaire gratuit et obligatoire.
2. Le droit � l'�ducation, reconnu aux articles 13 et 14 du Pacte ainsi que dans plusieurs autres instruments internationaux tels que la Convention relative aux droits de l'enfant et la Convention sur l'�limination de toutes les formes de discrimination � l'�gard des femmes, rev�t une importance capitale. Il a �t� selon les cas class� parmi les droits �conomiques, les droits sociaux et les droits culturels. Il appartient en fait � ces trois cat�gories. En outre, � bien des �gards, il est un droit civil et un droit politique, �tant donn� qu'il est aussi indispensable � la r�alisation compl�te et effective de ces droits. Ainsi, le droit � l'�ducation incarne l'indivisibilit� et l'interd�pendance de tous les droits de l'homme.
3. Au titre de l'obligation claire et sans �quivoque qui lui incombe en vertu de l'article 14, chaque �tat partie est tenu de pr�senter au Comit� un plan d'action �tabli selon les orientations pr�cis�es au paragraphe 8 ci-dessous. Cette obligation doit �tre scrupuleusement respect�e vu que, selon des estimations, 130 millions d'enfants d'�ge scolaire - dont deux tiers environ de filles - n'ont actuellement pas acc�s � l'enseignement primaire dans les pays en d�veloppement (2). Le Comit� est pleinement conscient du fait qu'en raison de multiples facteurs il a �t� difficile aux �tats parties de s'acquitter de leur obligation de pr�senter un plan d'action. Qu'il s'agisse des programmes d'ajustement structurel engag�s dans les ann�es 70, des crises de la dette survenues ensuite dans les ann�es 80 ou des secousses financi�res de la fin de la pr�sente d�cennie, divers �l�ments ont fortement pes� sur la r�alisation du droit � l'enseignement primaire. Cependant, ces difficult�s ne sauraient lib�rer les �tats parties de leur obligation d'adopter et de soumettre un plan d'action au Comit�, comme le pr�voit l'article 14 du Pacte.
4. Les plans d'action �tablis par les �tats parties au Pacte conform�ment � l'article 14 sont d'autant plus importants que les travaux du Comit� ont montr� que les enfants priv�s de la possibilit� de recevoir une �ducation sont souvent plus expos�s � d'autres violations des droits de l'homme. Ces enfants, qui vivent souvent dans le d�nuement le plus total et dans des conditions insalubres, sont ainsi particuli�rement vuln�rables au travail forc� et � d'autres formes d'exploitation. Par ailleurs, il existe un lien direct entre, par exemple, le taux de scolarisation des filles dans le primaire et un recul sensible des mariages d'enfants.
5. L'article 14 contient plusieurs �l�ments qui justifient un commentaire d�taill� � la lumi�re de la large exp�rience acquise par le Comit� � l'occasion de l'examen des rapports des �tats parties.
6. Caract�re obligatoire de l'enseignement primaire. Cet �l�ment met en avant le fait que ni les parents, ni les tuteurs, ni l'�tat ne doivent consid�rer l'acc�s � l'enseignement primaire comme facultatif. De m�me, il renforce le principe que l'acc�s � l'�ducation doit �tre ouvert � tous sans discrimination aucune fond�e sur le sexe, comme pr�cis� par ailleurs aux articles 2 et 3 du Pacte. Il convient cependant de souligner que l'enseignement propos� doit �tre de bonne qualit�, adapt� � l'enfant et propice � la r�alisation des autres droits de l'enfant.
7. Gratuit�. La nature de cette exigence ne souffre aucune �quivoque. Ce droit est formul� explicitement pour bien indiquer que l'enseignement primaire ne doit �tre � la charge ni des enfants, ni des parents, ni des tuteurs. Les frais d'inscription impos�s par le Gouvernement, les collectivit�s locales ou les �tablissements scolaires, et d'autres frais directs, sont un frein � l'exercice du droit et risquent de nuire � sa r�alisation. Ils entra�nent aussi souvent un net recul de ce droit. Le plan exig� doit tendre � leur suppression. Les frais indirects, tels que les contributions obligatoires demand�es aux parents (quelquefois pr�sent�es comme volontaires, m�me si cela n'est pas le cas), ou l'obligation de porter un uniforme scolaire relativement co�teux, peuvent �galement �tre consid�r�s sous le m�me angle. D'autres frais indirects peuvent s'av�rer acceptables, sous r�serve d'un examen par le Comit� au cas par cas. Cette disposition n'est en rien contraire au droit que le paragraphe 3 de l'article 13 du Pacte reconna�t aux parents et aux tuteurs l�gaux "de choisir pour leurs enfants des �tablissements autres que ceux des pouvoirs publics".
8. Adoption d'un plan d�taill�. L'�tat partie est tenu d'adopter un plan dans un d�lai de deux ans. Ce d�lai doit �tre interpr�t� comme s'entendant d'un d�lai de deux ans � compter de la date de l'entr�e en vigueur du Pacte pour l'�tat consid�r�, ou d'un d�lai de deux ans suivant un changement de la situation � l'origine de la non-observation de l'obligation. Cette obligation a un caract�re continu et les �tats parties auxquels elle s'applique en raison de la situation en vigueur n'en sont pas exempt�s par le fait qu'ils n'ont pas par le pass� agi dans le d�lai de deux ans prescrit. Le plan doit porter sur l'ensemble des mesures � prendre pour garantir la mise en oeuvre de chacun des �l�ments indispensables du droit et �tre suffisamment d�taill� pour garantir la r�alisation compl�te de ce droit. La participation de tous les secteurs de la soci�t� civile � l'�laboration du plan s'av�re cruciale, et il est essentiel de pr�voir des proc�dures de r�vision p�riodique qui soient garantes de transparence. Sans cela, la port�e de l'article sera amoindrie.
9. Obligations. Un �tat partie ne peut s'affranchir de l'obligation explicite d'adopter un plan d'action au motif qu'il ne dispose pas des ressources voulues. Si cet argument suffisait � se d�gager de cette obligation, rien ne justifierait l'exigence singuli�re contenue dans l'article 14 qui s'applique, pratiquement par d�finition, dans les cas o� les ressources financi�res sont insuffisantes. De m�me, et pour la m�me raison, la r�f�rence � "l'assistance et la coop�ration internationales" au paragraphe 1 de l'article 2 du Pacte, ainsi qu'aux "mesures d'ordre international" en son article 23, est en l'occurrence particuli�rement pertinente. Lorsqu'un �tat partie manque manifestement des ressources financi�res ou des comp�tences n�cessaires pour "�tablir et adopter" un plan d�taill�, la communaut� internationale a ind�niablement l'obligation de l'aider.
10. R�alisation progressive. Le plan doit permettre la r�alisation progressive du droit � un enseignement primaire obligatoire et gratuit au titre de l'article 14. N�anmoins, � la diff�rence du paragraphe 1 de l'article 2, l'article 14 pr�voit que les mesures doivent �tre prises "dans un nombre raisonnable d'ann�es" et en outre que ce d�lai doit �tre "fix� par ce plan". Autrement dit, le plan doit express�ment fixer une s�rie de dates pr�vues pour chacune des �tapes de sa mise en oeuvre. Cela montre � quel point l'obligation en question est importante et relativement stricte. En outre, il convient de souligner � cet �gard que l'�tat partie doit pleinement et imm�diatement s'acquitter de ses autres obligations dont la non-discrimination.
11. Le Comit� prie tout �tat partie dont la situation rel�ve de l'article 14 de faire en sorte que le contenu dudit article soit pleinement respect� et que le plan �labor� lui soit pr�sent� en tant que partie int�grante des rapports soumis en vertu du Pacte. Il encourage par ailleurs les �tats parties � solliciter, le cas �ch�ant, l'aide des institutions internationales comp�tentes, notamment l'Organisation internationale du Travail (OIT), le Programme des Nations Unies pour le d�veloppement (PNUD), l'Organisation des Nations Unies pour l'�ducation, la science et la culture (UNESCO), le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), le Fonds mon�taire international (FMI) et la Banque mondiale, tant en vue de l'�laboration des plans d'action vis�s � l'article 14 que de leur mise en oeuvre ult�rieure. En outre, le Comit� demande aux organisations internationales comp�tentes d'aider autant que faire se peut les �tats parties � s'acquitter sans retard de leurs obligations.
1/ Figurant dans le document E/C.12/1999/4.
2/ De mani�re g�n�rale, voir le rapport de l'UNICEF sur la situation des enfants dans le monde, 1999.